20-07-2018 | di COOPI
Tchad: dans l'orphelinat de N'Djamena
(Source: vita.it, en italien)
L’orphelinat Dieu Bénit se trouve au bout d’une route de terre, loin du bruit des klaxons et du trafic de N’djamena. C’est l’un des dix centres d’accueil pour les mineurs gérés au Tchad par l’Union des Associations pour la Protection de l’Enfance au Tchad (UAPET) créée grâce au soutien de Coopi et de l’Union Européenne afin de réunir différentes organisations engagées dans l’assistance et dans la protection des mineurs.
Le centre Dieu Bénit s’appelle «orphelinat» pourtant, en entrant dans la cour intérieure, au-delà des lourdes portes en fer qui le séparent de la route, l’atmosphère est très différente de la tristesse que le mot «orphelinat» évoque.
De nombreux enfants, de tous les âges, jouent par terre, certains font leurs devoirs dans la bibliothèque, d’autres dorment dans des lits superposés, les portes ouvertes sur la cour.
«Dieu Bénit, ainsi que les autres lieux d’accueil, naissent d’initiatives locales pour répondre à l’abandon des mineurs et pour offrir un soutien aux familles qui, pour différentes raisons, ne peuvent pas s’occuper de leurs enfants» explique Elsa Mbebangu, psychologue et coordinatrice du projet pour Coopi.
L’institut a été fondé en 2011 par une habitante de N’Djamena, Nadjimbaidjé Séphora, 57 ans, restée très jeune orpheline de père et pour cela désireuse d’aider les enfants qui se trouvent dans la même situation. Pour faire fonctionner l’orphelinat Dieu Bénit , outre les opérateurs, il y a aussi un groupe important de volontaires locaux.
« Dans le cadre du projet nous avons mis en place une formation psycho-sociale pour fournir, aux personnes engagées dans les instituts, des instruments permettant de gérer les cas les plus délicats ». En ce moment 55 mineurs sont présents dans l’orphelinat, et il y a aussi vingt jeunes qui, faisant toujours partie du projet, participent à un parcours de réinsertion familiale.
«En plus du travail de formation et de soutien psychologique, nous avons aussi fourni des kits scolaires et mis en place des initiatives d’apprentissage professionnel». Une salle de classe est présente à l’intérieur de la structure, à côté des chambres. Certains des enfants et des jeunes ont encore une famille qui a accepté de les envoyer à l’orphelinat Dieu Bénit pour les faire étudier et leur permettre d’avoir une opportunité en plus. «Autrefois c’était une pratique beaucoup plus répandue», explique Mme Mbebangu, en racontant qu’aujourd’hui pour les familles, y compris les plus pauvres, c’est beaucoup plus difficile de faire ce choix. La fracture, très profonde, date de 2007 avec le scandale du charity Zoe’s Ark, 103 enfants avaient été éloignés de leur famille avec la promesse, de la part de l’association non-profit, de les envoyer à l’école.
Les enfants, présentés comme des réfugiés du Darfour, avaient été portés en France pour être adoptés par des familles françaises. Un traumatisme collectif qui a marqué une génération entière de parents tchadiens. «Les familles ont peur de ne plus revoir leurs enfants s’ils leur permettent de s’éloigner pour aller à l’école. Même les femmes qui sont en prison ne veulent pas laisser leurs enfants partir», continue Mme Mbebangu. «De nombreuses femmes sont effrayées et, par conséquent, de nombreux petits enfants ne peuvent pas avoir accès à l’école».
Le scandale de Zoe’s Ark a aussi provoqué une baisse importante des adoptions internationales, en faisant du Tchad un pays où il est difficile d’adopter. Pour les enfants orphelins et sans famille qui puisse prendre soin d’eux, la meilleure chance de trouver une famille est celle d’être adoptés par une famille tchadienne.
Fraichement repeints, les murs jaunes contrastent avec le ciel bleu intense de la ville.
«Les enfants et les jeunes présentent différents types de problèmes. Avant tout, le traumatisme de la séparation d’avec leurs parents, qui revient souvent au moment de l’adolescence, lors de la définition de l’identité», explique la coordinatrice, en soulignant que souvent les enfants qui arrivent à l’orphelinat, ont vécu des violences et d’autres événements traumatisants. «Il y a ceux qui ont vécus des maltraitances, d’autres ont subi un mariage forcé, bien que cette pratique soit maintenant illégale».
C’est justement le fléau du mariage précoce qui représente aujourd’hui l’une des batailles les plus importantes à poursuivre pour les droits des mineurs au Tchad.
«La situation des mineurs dans ce Pays est encore très compliquée. Il y a de nombreux problèmes graves, liés, dans de nombreux cas, à des situations de fragilité et de pauvreté des familles. En partant de l’exploitation sexuelle, en passant par un taux de travail des enfants très élevé, jusqu’au recrutement, horrible, des enfants dans les groupes armés», conclu Mme Mbebangu. «Certains progrès importants ont été faits. Mais il ne faut pas s’arrêter. C’est du futur du Pays dont il est question». D’une partie de l’Afrique et d’une partie du monde.
- Ottavia Spaggiari