11-07-2017 | di COOPI
Congo : les enfants de l'abandon
Cette colline verte et cette terre humide sont les produits de la grisaille de Masisi, dans la région orientale de la République démocratique du Congo (RDC). Il fait froid et, au cours de la saison des pluies, l'eau pénètre dans les huttes où vivent les 108 familles du camp pour personnes déplacées de Buporo. Dans la meilleure des hypothèses, il s’agit de baraques faites de toile cirée ; à défaut de cela, il s’agit de morceaux de plastique précaires, de toiles en lambeaux et de morceaux de tôle fixés avec des pieux. Davantage qu’un camp, Buporo est la dernière étape d'une longue fuite.
Le 7 septembre 2016, les autorités congolaises ont fait évacuer un camp plus grand et mieux équipé, Kishusha, dans la Rubaya voisine. Ses 6.611 habitants, des réfugiés hutus du Rwanda ou des réfugiés congolais appartenant à la même ethnie, ont tout simplement été expulsés. Quatre-vingts pour-cent d’entre eux ont été disséminés entre Rubaya et d’autres localités. Dix pour-cent ont trouvé refuge dans le camp de Buporo à Kibabi et au Nord Kivu, la province qui compte le plus grand nombre de personnes déplacées du Congo : 863.000 personnes. Selon l’OCHA , le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, toutes ces personnes ont fui devant la violence des groupes armés et de l’armée nationale.
Kishusa est désormais une terre abandonnée, parce que les autorités congolaises estiment que les camps de réfugiés hutus sont la pépinière du seul groupe armé possédant un réel pouvoir militaire au Congo: le Front démocratique pour la libération du Rwanda (FDLR), fondé par des officiers rwandais hutu et par des miliciens Interahamwe qui ont fui le Congo à la suite du génocide de 1994 au Rwanda.
La faim qu’on reçoit en héritage
Les parents Mboneza sont arrivés à Kishusha, fuyant la violence anti-hutu de l'autre milice : les Raia Mutomboki. Mboneza est arrivée avec eux à Buporo après avoir passé la majeure partie de ses 20 ans à s'échapper. Ce qui est un paradoxe, parce qu’elle ne tient pas sur ses jambes. Avec sa robe jaune, couvrant la moitié inférieure de son corps, elle avance sur ses bras comme si elle utilisait des béquilles et semble presque sans jambes. Mais ses jambes sont là, repliées sur elles-mêmes et si déformées qu'elles ont perdu leur fonction de déambulation.
«Elle a probablement souffert de rachitisme», dit le Dr Vincker Lushombo, coordinateur médical de l'ONG italienne COOPI, qui offre des soins médicaux gratuits dans le dispensaire de Kibabi, les seuls soins que reçoivent les personnes réfugiées. La cause du rachitisme est une carence aiguë en vitamines D, souvent due à une alimentation insuffisante. Sans le soutien des Nations Unies, les réfugiés travaillent quand et où ils peuvent comme journaliers dans les champs ou dans les mines de coltan et de manganèse dans la région et ils ne mangent jamais de viande.
Mboneza a un fils de 18 mois, né après un viol. On hérite rarement du rachitisme mais de la faim, par contre, oui. La jeune femme a souffert de malnutrition pendant sa grossesse. Après la prise en charge de la part de la COOPI, l’enfant est né en bonne santé, mais la mère avait à peine le lait dont il avait besoin pour se nourrir. A l'âge de 6 mois, l'enfant souffrait lui aussi de malnutrition et la COOPI est intervenue à nouveau. Mboneza raconte son histoire, son expérience si épouvantable, à voix haute et refuse de se déplacer dans un endroit plus discret pour parler. Elle est courageuse et, malgré la misère, sa dignité est encore intacte.
Traduction de l’article de : Trinidad Deiros Bronte